dimanche 30 août 2020

Le parpaillot châtelleraudais | septembre-octobre 2020

Numéro 3 — septembre-octobre 2020,
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En temps de pandémie, devant le Père qui voit dans le secret

La pandémie actuelle nous a conduits à une sorte de division intérieure, entre deux injonctions divergentes procédant de la même vocation à l'empathie : l’attention au risque de la contagion ; l’accompagnement affectif et spirituel.

Il a été très vite perceptible que l’accompagnement spirituel pâtirait de l'exigence morale, puis légale, face à la pandémie : confinement, gestes-barrière, rassemblements cultuels devenus impossibles, ou limités, etc., autant de mesures imposées à tous. Bref, comme cela avait été admis dans un premier temps : il n’y aurait, pour la durée requise, pas d'accompagnement spirituel digne de ce nom. Réalité effrayante, et qui a justement effrayé… Au point que, tergiversant devant l’énormité de ce fait, on a cru parfois devoir dire, que si, il y aurait bien accompagnement quand même — mais de fait, un peu limité toutefois !… « Accompagnement limité », ce qui est tout simplement un oxymore, criant dans des Églises se réclamant d’une théologie de l'Incarnation ! Qu’est-ce qu’un accompagnement minimum, limité ? Que serait une… « incarnation limitée » ? Limitée à quoi ? Limitée par quoi, sinon par l’ordre prophylactique auquel il a bien fallu se plier, auquel il est sain de se plier, sauf à donner dans le déni ?… Tout cela faisant qu’il aurait été plus clair de dire franchement que nous serions acteurs d’un déficit d'accompagnement. Aveu terrible, requérant pour être fait franchement un véritable courage, un terrible courage, qui nous renvoie à la suite des disciples dispersés au vendredi saint. Ce qu’il semble toujours très difficile d’admettre.

Alors c’est le Christ lui-même qui nous rejoint, et pas nous qui le rejoignons, ni même qui l'imitons. Nous imitons plutôt les disciples dispersés au vendredi saint, quand lui nous rejoint dans notre dispersion. Sa mort quasi-seul telle que nous la relatent les évangiles et son enterrement quasi-seul tel que nous le relatent les évangiles, se rapprochent fort des enterrements en déficit d'accompagnement des familles, que nous avons vécus et qu’après la fin du confinement strict nous continuons dans une moindre mesure de vivre.

Nous voilà devant Dieu, uniques devant celui-là seul qui l‘incarne, malgré l’Église toujours composée de disciples dispersés, entendant quand même l’appel à l’union et au rassemblement, mais toujours en déficit. Une question demeure : saurons-nous dire que la présence accompagnante, incarnée, du Père, est le fait du Christ seul, et qu’on ne trouve le Père qu’au-delà de nos dispersions, fussent-elles des rassemblements d'Église, qu’il vient dans une présence invisible, transfigurant nos solitudes en rencontres secrètes, à l’écoute de sa parole (où il s’agit de réapprendre à ouvrir la Bible !), nous rapprochant de Jésus se retirant seul avec le Père, et nous enseignant à faire de même (Mt 6, 6).

RP