dimanche 25 septembre 2022

Chana tova




mercredi 14 septembre 2022

Le parpaillot châtelleraudais | septembre 2022


Édito
Urgente guérison

Un jour de shabbat. « Un hydropique (enflé) est devant Jésus [...]. Alors il prit le malade, le guérit et le renvoya. » (Luc 14, 1 sq.)

Voilà que Jésus guérit un homme atteint d'une maladie qui semble ne présenter aucune urgence — c'est-à-dire qu'il aurait pu être guéri le lendemain : les cabinets médicaux sont fermés le week-end, sauf urgence. Il en est de même pour le shabbat : en cas de réelle urgence, les pharisiens admettent sans la moindre difficulté la légitimité des interventions au jour du shabbat — d'où le silence qui suit la question de Jésus. Dans un cas d’urgence, celui d'une question immédiate de vie ou de mort, il n'y aurait ni discussion ni contestation. Pas plus pour un être humain que pour un bœuf tombé dans un puits. Les choses étaient prévues, le Talmud en garde souvenir, pas de difficulté dans ce cas.

Mais voilà, ici, on a affaire à une personne qui pouvait attendre un jour de plus. Jésus, méprise-t-il le shabbat ? Aucunement, mais il considère le cas de ce malade comme urgent ! C'est là qu'est le débat, peut-être d'une autre urgence que celle de la maladie — même si l'on convient qu'un jour de souffrance est une éternité pour celui qui en est affligé.

L'urgence en question est celle du Jour d'éternité précisément, celle du Royaume de Dieu. Le shabbat en est le signe, signe de gratuité, signe de grâce, signe et présence du Royaume de Dieu, ce Jour où Dieu s'est retiré, et où tous sont invités à être délivrés et à entrer dans le repos — et pas seulement à observer scrupuleusement le rituel qui symbolise cette délivrance. Sans quoi on risque de n'être qu'enflé de la bonne conscience de qui se croit en règle avec Dieu… Comme l'hydropique — beau symbole — était enflé. À guérir d'urgence !

Voilà qui permet d'éclairer la parabole qui suit : qu'est-ce que cette façon d'être enflé de bonne conscience, à se croire premier, en s'arrogeant les places d'honneur ? — et pourquoi le Maître du repas du Royaume pourrait juger qu'il s'agit de ranger les convives autrement. « Lorsque tu es invité par quelqu'un à des noces, ne va pas t'installer à la première place, de peur qu'une personne plus considérée que toi n'ait été invitée, et que celui qui vous a invités l'un et l'autre ne vienne te dire : “Cède-lui la place.” Tu aurais alors la honte d'aller t'installer à la dernière place. » (Luc 14, 8 sq.)

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On peut saisir ainsi que se mettre à la première place consiste à établir des catégories prioritaires, et s'y placer soi-même, sur la base d'une bonne conscience qui revient à être… enflé. Maladie à guérir d'urgence !… Avant que Dieu ne bouleverse un ordre indu : « quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé » (Luc 14, 11).

Alors Jésus appelle celui qui l'invitait, à inviter — plutôt que les convives qui lui ressemblent, ses proches ou ceux qui lui sont proches par leur perfection morale, ceux honorent sa table de leur richesse ou de leur — réelle — honorabilité, et qui peut-être, l’inviteront en retour à leurs tables de choix — ; Jésus l'appelle à inviter ceux que l'on a l'habitude de mépriser (Luc 14, 12 sq.). Avec en outre le motif qu'ils ne pourront pas rembourser, qu'ils ne pourront pas rendre l'invitation… N'ayant donc pas de quoi être enflés !

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Ainsi, il est un autre regard de Dieu, celui du Christ qui honore le méprisé, que nous sommes toutes et tous à bien y regarder, un regard qui mène quiconque a perçu qu'il se pose sur lui sur elle, à savoir qu'on ne saurait être soi-disant apte à aimer, en règle avec Dieu, que par inconscience. Ce regard dévoile à qui a perçu que Dieu le pose sur lui, sur elle, que c'est là le regard qui seul fait vivre. C'est ce regard du Christ qui suscite l'attitude que Dieu agrée, et qui consiste à s'attendre à lui seul, et à ne pas se fier à toutes nos prétendues mises en règle, jusqu'à s'imaginer être comme Dieu, aptes au don gratuit. C'est par la foi seule, qu'il s'agit de vivre devant Dieu, Dieu qui a seul le pouvoir de faire naître en nous, et à l'égard de nos prochains, les comportements qu'il attend de nous.

Roland Poupin, pasteur