mardi 2 février 2021

Quand des fléaux s’abattent sur l’oppresseur



Réflexion suite à une question d'une catéchumène s'interrogeant...

… À propos de la mort des premiers-nés (Exode 12, 29), dernière plaie avant la sortie du pays de l’esclavage… Plus tard dans le récit, lorsque, le peuple ayant traversé la mer, l'armée de Pharaon est engloutie par les eaux, le texte de l’Exode nous rappelle qu’un chant de louange est adressé à Dieu (par Moïse, sa sœur Myriam et le peuple libéré - Exode 15). Un commentaire juif, dans le Talmud, nous dit :

“Au même moment (lorsque Moïse entonna le cantique) les anges du service demandèrent à dire un cantique devant le Saint - béni soit-il, celui-ci leur dit : les créatures de mes mains sont en train de se noyer, et vous voulez dire un cantique de grâce !” (Talmud de Babylone, Traité Sanhédrin)

Cette remarque peut être prise en compte aussi pour la mort des premiers-nés du pays de Pharaon. La libération des esclaves s’est faite douloureusement. Les propriétaires d’esclaves ne libèrent pas de bon cœur ceux qu’ils considèrent comme leurs possessions. La Bible rappelle cette difficulté : il est des libérations qui ne se font qu’à travers des violences, entraînant des douleurs considérables. Ici, cette douleur est traduite en termes de mort des premiers-nés. Comment des épisodes terribles arrivent concrètement dans les faits, c’est difficile à dire, et au fond, le texte ne l’explique pas, même si, par sa façon d’en donner le récit, il affirme que cela n’échappe pas à Dieu (perçu comme maîtrisant tout ce qui arrive).

Ce qui vaut réjouissance, ce n’est pas la violence, mais c’est la libération des opprimés ! Ce qui demeure, c’est que les libérations entraînent le plus souvent des violences : dans le texte de l’Exode, l'engloutissement de l'armée de Pharaon ou la mort des premiers-nés. À l'époque moderne non plus, la libération des esclaves (pensons à la guerre civile américaine) n'a pu se faire sans violence. Ce n’est pas la violence qui est réjouissante, c’est la libération. De même pour la Révolution française, ce n’est pas la violence, c’est la Déclaration des Droits de l’homme de 1789 qui en est sortie, écrite sur des tables similaires à celles que l’on représente pour le Décalogue biblique. La libération, nécessaire, mais dont l’avènement s’est fait dans la douleur, a vu la proclamation d’une loi qui donne les règles par lesquelles ne pas retomber dans l’esclavage et la violence. De même au XXe siècle, la libération à l’égard du nazisme, qui n’a pas pu se faire sans violence, a débouché sur la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948, qui exprime les règles à observer pour que cela ne se reproduise pas.

Dans tous les cas, la violence par laquelle on passe pour aboutir à l’avènement de la liberté est tragique. Et elle attriste Dieu, selon le commentaire talmudique. Ce qui vaut la joie, c’est la liberté reçue, pas son prix douloureux.

RP

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