dimanche 4 avril 2021

Le parpaillot châtelleraudais | avril & mai 2021

Numéro 6 — avril-mai 2021,
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Pâques au-delà de la mer / au-delà de la mort

La Pâque, Pessah : la sortie du pays de l’esclavage… La délivrance aboutit à la traversée de la mer. Le peuple hébreu est délivré, l'armée de Pharaon est engloutie par les eaux. Le texte de l’Exode nous rappelle qu’un chant de louange est adressé à Dieu (par Moïse, sa sœur Myriam et le peuple libéré - Exode 15). Un commentaire juif, dans le Talmud, nous dit alors :

“Au même moment (lorsque Moïse entonna le cantique) les anges du service demandèrent à dire un cantique devant le Saint - béni soit-il, celui-ci leur dit : les créatures de mes mains sont en train de se noyer, et vous voulez dire un cantique de grâce !” (Talmud de Babylone, Traité Sanhédrin)

La libération des esclaves s’est faite douloureusement. Les propriétaires d’esclaves ne libèrent pas de bon cœur ceux qu’ils considèrent comme leurs possessions. La Bible rappelle cette difficulté : il est des libérations qui ne se font qu’à travers des douleurs considérables. Comment ces épisodes terribles se sont déroulés concrètement, c’est difficile à dire, et au fond, le texte ne l’explique pas, même si, par sa façon d’en donner le récit, il affirme que cela n’échappe pas à Dieu - perçu comme maîtrisant tout ce qui arrive.

Ce qui vaut réjouissance, ce n’est pas la violence, mais c’est la libération des opprimés… qui entraîne le plus souvent des violences, comme, dans le texte de l’Exode, l'engloutissement de l'armée de Pharaon. À l'époque moderne non plus, la libération des esclaves (pensons à la guerre civile américaine) n'a pu se faire sans violence. Ce n’est pas la violence qui est réjouissante, c’est la libération - “go down Moses, tell old Pharaoh to let my people go” ! De même pour la Révolution française, ce n’est pas la violence qui est réjouissante, c’est la Déclaration des Droits de l’homme de 1789 qui en est sortie, écrite sur des tables similaires à celles que l’on représente pour le Décalogue biblique qui suit la Pâque. La libération, nécessaire, mais dont l’avènement s’est fait dans la douleur, a vu la proclamation d’une loi qui donne les règles par lesquelles ne pas retomber dans l’esclavage et la violence. De même au XXe siècle, la libération à l’égard du nazisme, qui n’a pas pu se faire sans violence, a débouché sur la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948, qui exprime les règles à observer pour que cela ne se reproduise pas.

Dans tous les cas, la douleur a dû être traversée : c’est la Pâque, ou le passage (Pessah en hébreu) pour aboutir à l’avènement de la liberté. La douleur en est l’aspect tragique, qui attriste Dieu, selon le commentaire talmudique. Ce qui vaut la joie, c’est la liberté reçue, pas son prix douloureux.

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Pâque, dans le christianisme, évoque cet autre passage, au-delà de la mer / au-delà de la mort : Pâques. Ce passage-là aussi s’est fait dans la douleur, celle de l’atroce violence de la crucifixion. La violence relatée dans l’Exode est bien présente ici aussi, tragique ! Elle est portée ici par le libérateur, celui qui a triomphé de la mort, le dernier ennemi qu’il a fallu combattre. Là aussi, ce qui est réjouissant, ce n’est pas la violence subie, c’est la libération, proclamée au dimanche de Pâques, scellant la victoire sur la mort et faisant de la croix le lieu de l'élévation de celui qui a subi et porté en sa chair toute la violence de ce combat. La croix apparaît, à la lumière rétroactive du dimanche de Pâques, comme l’élévation du Christ dans la lumière de la gloire du Père. Il a triomphé du dernier ennemi, dont la défaite finale (1 Co 15, 26) est ainsi annoncée et assurée.

Ce triomphe est la promesse qui nous est donnée dans notre traversée du désert de la pandémie… Le peuple de l’Exode a traversé le désert. Le Christ a commencé son ministère au désert annonçant sa solidarisation avec chacune et chacun de nous, solidarisation accomplie lorsqu'il a porté le prix de douleur de notre libération. D'autres déserts ont suivi, comme celui de nos ancêtres spirituels protestants français, interdits d'existence pendant plus d’un siècle, après un autre siècle de maigre tolérance. Désert, c’est le nom qu’ils ont donné à ce temps. Aujourd’hui, la pandémie apparaît comme un nouveau désert, nous appelant, à la suite du Christ, à la solidarité : le virus a tué, nombre de nos contemporains sont à l’heure actuelle totalement confinés. Celui qui, portant nos souffrances, a vaincu la mort-même, le Ressuscité, nous est donné en consolation, nous laissant son Esprit consolateur, Esprit de promesse qui nous invite à la solidarité dans la patience espérante, tendus vers le temps des retrouvailles, le temps de fête que préfigure ce temps de Pâques en lequel nous crions tout à nouveau : Maranatha, le Seigneur vient ! Maranatha, viens Seigneur !

À suivre ICI...

RP

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